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BAMAKO, Mali — La pension où El Bachir Thiam travaillait comme agent de sécurité, une petite oasis de verdure au coeur de Bamako, la capitale animée du Mali, voyait passer un grand nombre de Français. Ils étaient généralement sympathiques, et il les appréciait.
Il leur souhaitaient la bienvenue, les menait à leurs chambres et les rassurait sur la sécurité à Bamako — que la ville n’était pas un lobby d’activité terroriste en dépit de son picture à l’étranger. Ensuite, pourtant, il retournait à son smartphone et à des groupes WhatsApp militants qui ne se préoccupaient que d’une selected: faire en sorte que les Français — leurs entreprises, diplomates, et milliers de soldats — quittent le Mali.
Ces dernières années, les critiques s’intensifient à l’encontre de la France au sein de ses anciennes colonies africaines. Elles sont points du sentiment que ses pratiques coloniales et son perspective paternaliste n’ont jamais vraiment cessé, et sont alimentées par une marée de publications sur les réseaux sociaux, d’émissions radio, de manifestations, et de discussions dans les rues.
Au Sénégal l’année dernière, des jeunes manifestants accusaient leur président d’être une marionnette du président français Emmanuel Macron, actuellement t en lice pour un second mandat, et ont brisé des vitrines de stations-service françaises et incendié des supermarchés français.
Au Burkina Faso, lors du coup d’état en janvier, les tailleurs déchiraient les drapeaux français et recousaient leurs couleurs à l’horizontale pour en faire des étendards russes.
Et en novembre dernier, au Niger, des soldats ont ouvert le feu sur des manifestants qui scandaient “Non à la France”, et tentaient de bloquer un convoi militaire français. Deux personnes ont été tuées, selon le gouvernement nigérien.
Près de la moitié des pays d’Afrique ont été à un second donné soit des colonies, soit des protectorats français. Six décennies après l’indépendance de la plupart d’entre eux, ce sont des jeunes comme M. Thiam — né bien après le départ des colonisateurs Français — qui mènent la contestation. Contrairement aux générations précédentes, souvent moins instruites ou alphabétisées, ces jeunes puisent dans la multitude d’informations en ligne à laquelle ils ont accès pour promouvoir le changement. Et leurs aînés y sont attentifs.
“Il y a un nouvel éveil de conscience en Afrique sub-saharienne qui doit être connu du monde,” observe El Hadj Djitteye, un analyste malien qui a récemment fondé un think-tank nommé Centre d’Études Stratégiques de Tombouctou pour le Sahel. “Si un ministre des affaires étrangères parle aujourd’hui, il y a des groupes de jeunes analystes maliens qui récupèrent, qui analysent, qui vont te dire bon, ce paragraphe est paternaliste, ça c’est agressif, ça c’est pas de la diplomatie.”
La marée d’informations qu’ils consomment et partagent verse parfois dans la désinformation, comme par exemple les rumeurs infondées selon lesquelles la France serait de mèche avec les djihadistes ou volerait de l’or. Le gros des critiques dans les pays liés à la France se porte cependant davantage sur ce qui est perçu comme l’vanity de l’ancienne puissance coloniale. Il y a toujours eu des critiques à l’égard de la France, notamment dans les milieux urbains plus éduqués d’Afrique de l’Ouest, mais maintenant que presque tout le monde possède un smartphone – sinon connaît quelqu’un qui en possède un – ces idées se sont répandues.
Au Mali, où les soldats français tentent en useless depuis près de 10 ans d’endiguer la development de groupes armés islamistes, on accuse la France de manquer de respect aux Maliens. Les accusations sont portées non seulement par des militants comme El Bechir Thiam, mais aussi par les plus hauts responsables du pays, jusqu’au premier ministre.
“On veut nous humilier,” déclarait récemment le Premier ministre Choguel Maïga dans un discours qui, comme souvent, a dérivé vers des théories complotistes sans fondement. Ce style de rhétorique permet à la junte militaire au pouvoir depuis 2020 de conserver un soutien populaire massif. “Et notre peuple n’est pas un peuple qui se soumet.”
Le revirement est complet par rapport à la state of affairs d’il y a dix ans. Quand les djihadistes ont conquis les villes du nord du pays en 2012, le Mali a fait appel à la France et à son aide militaire. À l’arrivée des soldats français, les Maliens les ont accueillis en héros.
Aujourd’hui, on les chasse du pays. On leur reproche les sanctions imposées par la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest, la Cédéao, destinées à amener la junte à s’engager à rendre le pouvoir — la France étant considérée comme celle qui tire les ficelles.
Les Français sont également blâmés pour leur incapacité à mettre fin à une rebellion qui s’est métastasée, débordant au-delà des frontières maliennes et déstabilisant toute la région du Sahel — même si les troupes maliennes combattent elles aussi les insurgés et sont maintenant accusées d’avoir tué des centaines de personnes avec leurs nouveaux partenaires, des mercenaires russes. On reproche en outre aux Français leur soutien à d’anciens groupes de rebelles du nord, qui pour beaucoup dans le puissant Sud du Mali ne diffèrent en rien des djihadistes.
C’est essentiellement sur la dégradation de la state of affairs sécuritaire que portent les posts de M. Thiam, qu’il publiait lors de ses providers de nuit à la pension. À un second donné, il avait plus de 35 000 amis ou abonnés sur Fb.
Il ne militait pas qu’en ligne: il a co-fondé On A Tout Compris, un groupement qui a organisé des manifestations devant l’ambassade française à Bamako et ciblé des entreprises françaises, dont la compagnie pétrolière Whole. Très vite, pour arriver à l’heure au travail, il se voyait obligé de quitter les réunions en pleine séance. Il a fini par démissionner de son emploi à la pension pour et s’engager à plein temps dans son activité militante.
Sur Fb, il aimait particulièrement poster des vidéos de lui en prepare brûler un drapeau français — ce qui, d’après lui, a conduit à son exclusion du réseau social. (Contacté, Fb indique que brûler des drapeaux ne constitue pas une violation de ses règles, mais qu’il a pu être banni pour une autre raison). Il dit avoir publié des photographs de soldats français morts, les qualifiant “d’autres terroristes”, par easy provocation.
“Nous savions que c’était quelque selected de méchant mais cela fait partie de nos stratégies de lutte,” reconnaît-il.
Alors que les soldats français de l’opération Barkhane plient bagage et s’apprêtent à quitter le pays, leurs dirigeants peaufinent leurs relations avec d’autres pays plus accueillants, comme le Niger et la Côte d’Ivoire, où ils organisent ce mois-ci une session d’entraînement avec les troupes locales, comme ils le font depuis des années.
Au cours des années qui ont suivi l’indépendance des nations africaines, la France a maintenu un réseau de liens politiques et commerciaux avec ses anciennes colonies, confortant souvent en pratique des gouvernements corrompus ou des dictateurs pour son propre bénéfice — un système connu sous le nom de Françafrique.
Après l’élection de M. Macron, il semblait initialement attainable que les choses soient sur le level de changer. Le nouveau président s’est engagé à déclassifier des archives secrètes family members à l’assassinat de Thomas Sankara, le dirigeant révolutionnaire du Burkina Faso tué lors d’un putsch auquel beaucoup soupçonnent la France d’avoir participé. Il a aussi demandé pardon au Rwanda pour le rôle de la France dans le génocide.
“Je suis d’une génération qui ne vient pas dire à l’Afrique ce qu’elle doit faire,” affirmait-il à des étudiants à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, en 2017.
Ces déclarations sonnaient pourtant creux en janvier 2020, lorsqu’il a convoqué cinq dirigeants africains pour un sommet en partie destiné à désavouer la montée de sentiments anti-français dans leurs pays. Pour beaucoup de leurs citoyens, M. Macron faisait là montre d’une vanity intolérable.
Et au Mali — un pays qui, ces derniers temps, est souvent un baromètre régional, tant en termes de coups d’État que de groupes islamistes déstabilisateurs — les gens ont eu le sentiment que cette une vanity persistait. La condamnation par plusieurs ministres français de la junte militaire qui a renversé le président et allié de longue date de la France, Ibrahim Boubacar Keita, a encore accentué cette tendance.
Les relations entre les deux pays se sont rapidement dégradées.
Quand Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires Étrangères français, a qualifié la junte d’“illégitime” et “hors de contrôle”, son ambassadeur à Bamako a été prié de quitter le pays.
À l’ambassade, par un après-midi récent, le spacieux bureau de l’ambassadeur était silencieux. Seul signe de sa présence passée: une picture de lui adossée à son fauteuil, posé par lui comme dernier trait d’humour avant son départ.
Cette étiquette d’“illégitime” hérisse encore beaucoup de Maliens. Bien sûr, reconnaissent-ils, la junte n’a pas été élue. Mais beaucoup sont déçus par la démocratie telle que la France la conçoit, et estiment que la junte parle en leur nom.
“Arrête de penser que nous sommes inférieurs,” lance Pierre Togo, un ancien soldat, à l’consideration de la France, en sirotant un jus de mangue dans un bar de Bamako. “La France complote, joue un jeu. Et maintenant, l’Afrique l’a compris.”
À l’autre bout de la ville, sur un rond-point animé où des marchands ambulants vendent des drapeaux maliens, Lassina Keita, mécanicien, essuie ses mains tachées d’huile sur sa chemise. Sur celle-ci, il a accroché la supply de toutes ses informations, une petite radio jaune. “Il vaut leur dire merci et les laisser partir,” dit-il à propos des Français.
Si ce ressenti est largement partagé dans la capitale, certains Maliens du nord et du centre, où l’rebellion fait rage, voient les choses autrement.
Dans une banlieue tranquille de Bamako, Bintu Walet Abdou et Ami Walet Idrissa, âgées de 22 ans, bavardent dans la maison cette dernière, en parpaings de béton brut chauffés par le soleil. Elles se remémorent leurs vies d’avant à Tombouctou, la ville tombée aux mains de militants islamistes après que le pays a été inondé d’armes et d’hommes en provenance de la Libye voisine, qui avait sombré dans le chaos.
“La France a beaucoup aidé le Mali,” remarque Bintu.
“Ce sont eux qui ont chassé les djhadistes,” renchérit Ami.
Ami avait 13 quand les dihadistes ont pris Tombouctou, en 2012. Ses dad and mom avaient fui, mais elle était restée sur place avec ses frères et sœurs. Un jour, alors qu’elle et son frère rentraient après s’être baignés dans une rivière, des hommes les ont arrêtés. Il est interdit aux hommes et aux femmes de marcher ensemble, leur ont-ils affirmé — peu importe qu’ils soient frère et sœur. Ils les ont fouettés tous les deux, raconte-t-elle.
Les deux jeunes femmes s’inquiètent de ce qu’il se passerait si les Français partaient, mais ne le disent jamais en public, même lorsque certains placent les Français au même rang que les djihadistes, comme souvent. A Bamako, leurs opinions leur attirererait des ennuis.
Si les plus virulents détracteurs de la France habitaient des régions menacées par les extrémistes ou des forces armées violentes, plutôt qu’en sécurité à Bamako, les choses seraient sans doute différentes.
À la pension arborée, un ancien collègue de M. Thiam s’amuse d’apprendre ce que fait désormais son ancien collaborateur.
“Envoyez-le dans le pays Dogon, qu’il entende les coups de feu,” lance-t-il avec un sourire, en référence à une région régulièrement attaquée par les groupes armés que la France combattait. “Il reviendra en courant et en criant “Vive la France!”
Mamadou Tapily, Mohamed Ag Hamaleck et Mady Camara ont contribué à ce reportage.
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